LES GARDIENS DU TEMPS

 

Au sud-ouest de Java, en Indonésie, existe une petite communauté qui a réussi, dans une large mesure, à se prémunir contre l’avancée de la mondialisation, la technologie moderne et la dégradation environnementale. Selon leurs traditions ancestrales, les Baduys croient que leur région est à l’origine de tout l’univers, et sont convaincus d’être les gardiens de notre équilibre cosmique.

Au coeur d’une forêt primaire, s’étendant sur plus de 5000 hectares, ils vivent en retrait du monde moderne, guidés par le Pikukuh, un système de préceptes rigoureux prohibant non seulement l’électricité et toute altération du cours d’une rivière, mais également l’usage de savon, de dentifrice, de chaussures, et même l’élevage d’animaux à quatre pattes, entre autres interdictions. Le principe central du Pikukuh repose sur l’idée d’éviter le changement:"ce qui est court ne doit pas être rallongé, ce qui est long ne doit pas être raccourci".

Les parents, rejetant l’éducation du gouvernement, enseignent à leurs enfants simplement en les incitant à observer et à reproduire les actions des adultes. Ainsi, dès leur plus jeune âge, ils apprennent à cultiver le riz à sec dans les collines, à construire des maisons, à tisser leurs vêtements, à pêcher dans la rivière, et à participer à toutes les tâches de la communauté. Animistes, les Baduys ont la profonde conviction que chaque élément, que ce soit les animaux, les plantes, les pierres, les montagnes, les rivières ou les étoiles, abrite une âme ou un esprit puissant. Ainsi, ils ressentent à la fois une vénération et une crainte envers ces forces invisibles.

L’origine des Baduys remonte au XVIe siècle, lorsque le dernier royaume soundanais tomba aux mains des conquérants musulmans. Selon les légendes, les Baduys, refusant de se convertir à l’islam, se seraient enfuis dans les collines luxuriantes de Banten où ils résident toujours aujourd’hui.

La communauté, s’élevant à environ 13 000 membres, se divise en deux entités distinctes : d’une part, le cercle intérieur, les Baduys Dalam, d’une rigueur inébranlable, vêtus de blanc et noir qui résident paisiblement dans trois villages. D’autre part, le cercle extérieur, plus souple, rassemble les Baduys Luar, parés de bleu et de noir, disséminés dans une cinquantaine de villages.

La protection dont ils ont bénéficié jusqu’à présent de la part des autorités découle des pouvoirs mystiques qui leur sont attribués. La philosophie des Baduys, empreinte de respect envers leur environnement, pourrait servir de source d’inspiration à notre société de consommation qui continue d’altérer notre écosystème. Un équilibre entre nos besoins et les ressources que nous offre la nature pourrait ainsi être reconsidéré.

 

THE TIME KEEPERS

 

In the southwest of Java, Indonesia, lies a small community that has largely succeeded in shielding itself against the pressures of globalization, modern technology, and environmental degradation. According to their ancestral traditions, the Baduys believe their region to be the origin of the entire universe, and they are convinced that they are the guardians of our cosmic balance.

Nestled within a primary forest spanning over 5000 hectares, they live withdrawn from the modern world, guided by the Pikukuh, a system of rigorous precepts that prohibit not only alteration of river courses, electricity, but also the use of soap, toothpaste, shoes, and even the raising of four-legged animals, among other restrictions. The core teaching of the Pikukuh revolves around the concept of minimal change: what is short should not be lengthened, what is long should not be shortened.

Defying government education, parents choose to educate their children by encouraging them to observe and mimic the actions of adults.Thus, from a young age, they acquire skills such as cultivating rice on arid hills, constructing homes, weaving garments, fishing in the river, and participating in communal duties. As animists, the Baduys firmly believe that each element, whether it be animals, plants, stones, mountains, rivers, or stars, harbors a powerful soul or spirit. Thus, they feel both reverence and fear towards these invisible forces.

The origin of the Baduys dates back to the 16th century when the last Sundanese kingdom fell to Muslim conquerors. Legend holds that, in defiance of converting to Islam, the Baduys sought sanctuary in the lush hills of Banten, where they still reside today.

The community, numbering around 13,000 members, is divided into two distinct groups: on one hand, the inner circle, the unwaveringly rigorous Baduys Dalam, dressed in white and black, who peacefully reside in three villages. On the other hand, the outer circle, more flexible, comprises the Baduys Luar, adorned in blue and black, scattered across approximately fifty villages.

Their protection from authorities thus far stems from the mystical powers attributed to them. The philosophy of the Baduys, grounded in profound respect for their environment, could serve as a guiding principle for our consumer-driven society, which continues to alter our ecosystem. Thus, a balance between our needs and the resources provided by nature could be considered.